En déclin relatif au Japon, le nô, l’un des genres du théâtre traditionnel, reste un art à la magie intacte, que la Philharmonie de Paris offre de découvrir du 22 au 26 septembre. Du combat du héros avec l’araignée géante de Tsuchigumo aux lamentations de la mère de l’enfant disparu de Sumidagawa, en passant par la quête de salut du guerrier de Shigehira et l’épopée du héros Yoshitsune dans Funa-Benkei, la salle parisienne en présente une sélection riche, ponctuée de son pendant plus léger et comique, le kyogen. Sur scène, Katayama Kuroemon et Fumiyoshi Asai, de l’école Kanze et, de l’école Kongo, Hisanori Kongo – « trésor national » vivant, à la présence majestueuse – et son fils Tatsunori.
Art vivant, très codifié et articulé autour d’un échange avec le monde des morts et des divinités, le nô se caractérise par « sa lenteur et sa dignité hiératique », écrit le japonologue, René Sieffert (1923-2004), dans « Le théâtre japonais » (chapitre des Théâtres d’Asie, Jean Jacquot, CNRS, 1968). Il aspire non pas à raconter une histoire de manière linéaire, mais à « saisir l’atmosphère d’un moment et à la représenter d’une manière esthétiquement satisfaisante par un mélange de mots, de musique et de danse », détaille P. G. O’Neill, dans A Guide to Nô (Hinoki Shoten, 1952, non traduit).
Le nô prend sa forme actuelle au XIVe siècle, par une fusion du sarugaku, des spectacles populaires aux frontières du grotesque, et du dengaku, des danses paysannes liées au cycle des travaux des champs, devenues, avec le temps, très élaborées. Il puise ses principes et ses thématiques dans les traditions et les épopées japonaises, la philosophie bouddhiste, mais aussi dans des techniques de chant et de danse venues de la Chine des Tang (618-907).
Règles pluricentenaires
Il s’impose sous la direction de Kanami (1333-1384), formé au sarugaku, et de son fils, Zeami (1363-1443). Théorisé dans les Traités secrets par Zeami, qui « arrive très souvent à analyser les éléments psychologiques et même physiologiques de l’émotion esthétique », selon René Sieffert, le nô s’épanouit dans des temples et sous le patronage de dirigeants nippons, à commencer par le troisième shogun de la dynastie des Ashikaga (1338-1573), Yoshimitsu, (1358-1408), fasciné par le duo Kanami et Zeami.
Le répertoire compte plus de 2 000 œuvres, dont près de la moitié écrites par Zeami, mais à peine 250 sont régulièrement jouées par les cinq écoles dominant la discipline. « Il arrive que l’on recrée des pièces, mais c’est rare », admet M. Katayama, qui reçoit en kimono beige dans sa maison traditionnelle, au cœur de Kyoto. Shigehira est ainsi une redécouverte récente.
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Source : Le Monde.fr