Dimanche, à Nagasaki, le pontife argentin devrait se prononcer contre la possession de l’arme atomique.
Quand la bombe atomique a foudroyé Nagasaki, le 9 août 1945, Mitsuaki Takami, natif de la ville, était dans le ventre de sa mère. Aujourd’hui, il est l’archevêque du diocèse et le président de la conférence épiscopale japonaise. Le survivant sera aux côtés du pape François lorsque le chef de l’Eglise catholique délivrera, à Nagasaki, dimanche 24 novembre, son « message sur les armes nucléaires ». Ce texte devrait solenniser la nouvelle position du Saint-Siège sur le nucléaire militaire, en réflexion depuis deux ans : il devrait proclamer l’illégitimité morale de la possession même de ces armes, de la dissuasion, et appeler les Etats qui en sont dotés à engager des négociations en vue d’un désarmement total.
Le pape argentin se rend au Japon du 23 au 26 novembre. Il évoque souvent le souvenir du bombardement d’août 1945. Fin 2017, il avait fait diffuser une photo prise dans les ruines fumantes de Nagasaki. On y voit un garçonnet transportant sur son dos le cadavre de son frère vers le crématorium. François se rendra au Parc de la paix de la ville, où il diffusera son « message », puis au Mémorial de la paix d’Hiroshima, où il prononcera un discours sur la paix.
Le message de Nagasaki et d’Hiroshima a été préparé depuis des mois, au Vatican, par la secrétairerie d’Etat (le « ministère » des affaires étrangères) et par le dicastère pour le service du développement humain intégral (le « ministère » de la paix et de l’écologie). Il devrait être développé dans un second temps, le 1er janvier 2020. Des représentants de plusieurs gouvernements se sont rendus à Rome ces derniers mois pour essayer de peser sur les réflexions en cours. Pour les Etats dotés de l’arme atomique, il s’agissait de faire valoir les impératifs de la défense nationale et la réalité des menaces pesant sur leurs populations dans un monde en plein chaos.
« Mettre en cause la possession »
C’est notamment le cas des représentants français, inquiets de la campagne de délégitimation engagée par François. Plusieurs d’entre eux ont été longuement reçus au Vatican, en juin. « Ce sont surtout des Européens qui sont venus, comme si la question était plus sensible dans la conscience européenne qu’ailleurs », notre Bruno-Marie Duffé, secrétaire du dicastère pour le développement humain intégral.
Le pape jésuite introduit une rupture dans le discours de l’Eglise catholique. Bien sûr, le Saint-Siège s’élève depuis l’origine contre la puissance destructrice exorbitante, indiscriminée, de l’arme atomique, et contre la course aux armements qu’elle entraîne. Mais, tout en plaidant pour le désarmement, il n’avait pas, jusqu’à François, déclaré sa possession, même illégitime, et considérait la dissuasion nucléaire comme un moindre mal, transitoire. Le 7 juin 1982, en pleine crise des euromissiles, Jean Paul II avait ainsi résumé cette acceptation conditionnée : « Dans les conditions actuelles, une dissuasion basée sur l’équilibre, non certes comme une fin en soi, mais comme une étape sur la voie d’un désarmement progressif, peut encore être jugée comme moralement acceptable. »
Source : Le Monde.fr