La Matinale du 30/08/2018Découvrir l’application
édition abonné
Un chercheur diplômé en 1945 a-t-il utilisé des cobayes humains pour ses travaux ? La question réveille une histoire longtemps taboue.
LE MONDE | • Mis à jour le |Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
LETTRE DE TOKYO
L’université japonaise de Kyoto va devoir répondre en septembre à une question délicate. Outre qu’elle ravive un douloureux passé, elle touche au sujet toujours sensible des relations entre science et défense. Le 31 janvier 1945, quand elle était encore l’université impériale de Tokyo, l’institution a accordé un doctorat à un chercheur pour une thèse titrée Sur la capacité de la puce du chien à agir comme vecteur de la peste.
Or le chercheur en question était un médecin militaire appartenant à l’unité 731, de sinistre mémoire pour avoir mené dans les années 1930 et 1940 des expériences létales sur des milliers de civils – dont des femmes et des enfants – chinois, coréens ou encore mongols ainsi que sur des prisonniers de guerre, avec pour but de développer des armes chimiques et bactériologiques.
Cobayes humains
La question est de savoir si l’auteur de la thèse a utilisé des cobayes humains dans ses travaux. Pour Katsuo Nishiyama, professeur émérite de médecine préventive à l’Université de Shiga (Ouest), auteur de Senso to Igaku (Guerre et médecine, Bunrikaku, non traduit, 2014) et créateur en janvier de l’association ayant déposé la demande de révision, c’est une évidence.
La thèse signale que, dans une expérience, des singes « ayant développé des symptômes se plaignent de maux de tête, de forte fièvre et d’une perte d’appétit 6 à 8 jours après la mise en place » de puces infectées. Le texte ajoute qu’un singe « présentait plus de 39 degrés de fièvre pendant cinq jours consécutifs. Il est mort six jours après l’apparition de la maladie ».
Pour M. Nishiyama et son association, outre que les singes se plaignent rarement de maux de tête, il est avéré que, dans leurs publications scientifiques, les chercheurs de l’unité 731 dissimulaient le recours à des cobayes humains en parlant de « singes de Mandchourie ».
L’unité, officiellement nommé le « Département de prévention des…