Votre saké, vous le préférez « tobikiri-kan », chaud « au point de vous faire partir pour de bon » ou « yuki-hie », « à la fraîcheur de la neige » ? Le vocabulaire de l’alcool de riz japonais n’est pas exempt d’une poésie qui séduit de plus en plus hors de l’Archipel.
Le 30 novembre, le Centre nippon de promotion des produits alimentaires à l’étranger Jfoodo, structure créée, en 2017, par l’Organisation japonaise du commerce extérieur Jetro, pour promouvoir les produits alimentaires nippons, a clôturé deux mois d’une campagne intitulée « Les produits de la mer aiment le saké », en partenariat avec 12 grandes tables de Singapour, comme Iggy’s, et à Hongkong, avec Bo Innovation, trois étoiles au Michelin.
Peu avant son décès en 2018, le chef français Joël Robuchon avait inauguré, à Paris, un bar à saké avec le producteur nippon Dassaï. Le restaurant étoilé Coi, de San Francisco, en propose depuis une dizaine d’années.
Les exportations ne dépassent pas 4 % de la production annuelle, mais elles croissent à un rythme soutenu et ne sortent pas du haut de gamme. Les Etats-Unis et l’Asie restent les premiers débouchés. L’Europe les rattrape. En 2017, les exportations vers la France ont bondi de 58 %, contre 39 % pour le reste de l’Europe.
Une période délicate
Au Japon, pourtant, le saké, doux, sec ou légèrement pétillant, d’une alcoolémie entre 13 et 16 degrés, vit une période délicate. Le nombre de producteurs, 1 415 en 2017, contre 1 433 en 2016 et 1 528 en 2013, ne cesse de baisser, tout comme la production, à 534 millions de litres en 2017, contre 545 millions en 2016. Et que dire de la consommation, en recul depuis les années 1970.
Le gouvernement a pris quelques mesures, comme la création, en 1978, d’un Jour du saké. Il a été fixé au 1er octobre pour coïncider avec le démarrage de la production. Mais il n’a pas réussi à le départir de l’image d’« une boisson de vieux ». Breuvage divin, employé dans les rituels de purification « Jichinsai » du culte shinto, le saké reste associé à ces alignements de packs de 2 litres de saké Ozeki ou Gekkeikan proposés dans les supérettes de proximité et au contenu de piètre qualité.
Cet aspect occulte une évolution amorcée au début des années 2000, portée par une nouvelle génération de producteurs, plus ouverts au monde, qui revoient les complexes méthodes de « sakéification » – deux fermentations avec ajout de champignons et de levures – et recourent aux recettes élaborées du marketing.
Source : Le Monde.fr