Les chemins divergents des monarchies nippone et thaïlandaise

Les deux monarchies asiatiques sont en train d’évoluer de manière opposée : la cour impériale à Tokyo cherche à se mettre en harmonie avec son temps tandis que la cour royale de Bangkok reste engoncée dans des rituels d’un autre âge.

Par Bruno Philip et Philippe Pons Publié le 10 mai 2019 à 07h00 – Mis à jour le 10 mai 2019 à 08h21

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Analyse. En un peu plus d’une semaine, deux monarchies asiatiques ont intronisé leur nouveau monarque : au Japon, l’empereur Naruhito et, en Thaïlande, le roi Maha Vajiralongkorn. Ces deux pays s’inscrivent dans l’ère moderne : le Japon est la troisième économie du monde et la Thaïlande l’un des pays les plus avancés d’Asie du Sud-Est. Mais leurs monarchies suivent des trajectoires divergentes et les monarques adoptent des postures politiques différentes, même si tous les deux règnent mais ne gouvernent pas.

Le Japon est aujourd’hui un Etat démocratique stable ; la Thaïlande est, au contraire, dirigée depuis cinq ans par une junte militaire et a été le théâtre, durant huit décennies, de coups d’Etat à répétition. C’est un royaume à la recherche d’un équilibre pour l’instant introuvable.

Le Japon vaincu et occupé par les Etats-Unis, en 1945, a dû se plier à leur bon vouloir : les Américains voulaient conserver l’empereur en lequel ils voyaient le socle garantissant la stabilité sociale. Ils taillèrent au monarque des « habits neufs » en faisant de lui le « symbole de l’Etat et de l’unité du peuple ». En Thaïlande, les Etats-Unis s’accommodèrent en revanche de la monarchie telle qu’elle existait. Mieux encore, le conservatisme de l’idéologie incarnée par le souverain servait les intérêts de Washington, qui comptait sur l’ancien Siam pour servir d’ultime rempart aux avancées communistes durant la guerre du Vietnam.

Mythes fondateurs

Le couronnement des 4 et 5 mai, où l’on a vu les membres de la famille royale thaïlandaise et des aristocrates de haut rang s’avancer à genoux devant le souverain avant de s’allonger à ses pieds dans une pose d’entière soumission, illustre à quel point les rituels thaïs, où se combinent traditions bouddhique et brahmanique, s’enracinent dans un passé immémorial. Notamment celui des dynasties de Sukhothai (1238-1448) et d’Ayuthia (1350-1767), qui ont précédé l’actuelle dynastie Chakri, fondée en 1782.

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Au Japon également, la figure impériale s’enracine dans les mythes fondateurs : le monarque est supposé être le descendant de la divinité du Soleil et se livre, à titre privé, à des rituels shintoïques (du shinto, culte polythéiste originel qui coexiste avec le bouddhisme) dans son palais. Mais Hirohito (1901-1989) avait solennellement annoncé, le 1er janvier 1946, qu’il n’était pas d’ascendance divine.

A la flamboyance du couronnement du roi de Thaïlande a fait pendant la simplicité des manifestations d’abdication de l’empereur Akihito et d’avènement de son fils, Naruhito

Source : Le Monde.fr

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