Les critiques formulées dans une lettre par cinq anciens premiers ministres japonais contre l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie « verte » européenne irritent le gouvernement nippon, partisan de la relance de la filière de l’atome. L’actuel chef du gouvernement, Fumio Kishida, a qualifié, jeudi 3 février, la missive d’« inappropriée ». Le même jour, Masao Uchibori, gouverneur du département de Fukushima (Nord-Est, théâtre de la catastrophe nucléaire de mars 2011) et proche des autorités, a regretté la mention « incorrecte » disant que « de nombreux enfants [souffraient] de cancers de la thyroïde » à cause de la catastrophe.
Daté du 27 janvier, le courrier adressé à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est signé par Morihiro Hosokawa (1993-1994), Tomiichi Murayama (1994-1996), Junichiro Koizumi (2001-2006), Yukio Hatoyama (2009-2010) et Naoto Kan (2010-2011). Rappelant les catastrophes de Three Mile Island, aux Etats-Unis, en mars 1979, de Tchernobyl (Ukraine), en avril 1986, et de Fukushima – à l’origine de l’évacuation de nombreux habitants, de la contamination d’étendues agricoles et donc de cancers de la thyroïde des enfants –, les signataires notent que ces drames ont « prouvé, et ce au prix fort, que le nucléaire n’était pas sûr ».
Au Club des correspondants de la presse étrangère, le même jour à Tokyo, M. Koizumi a ajouté que le drame de Fukushima avait montré que « le nucléaire n’était pas sûr, bon marché et propre ». « Il y a suffisamment d’énergies renouvelables pour répondre aux besoins », a renchéri M. Kan, lequel rappelé l’évacuation envisagée de Tokyo après l’accident. « Si une telle catastrophe se produisait en France, Paris devrait être évacué pendant cinquante, voire cent ans ».
« Procédures de dépistage ultrasensibles »
La démarche des ex-premiers ministres coïncidait avec la plainte déposée contre la Compagnie d’électricité de Tokyo (Tepco, opérateur de Fukushima Daiichi) par six habitants de Fukushima. Agés de six à seize ans en 2011, ils ont été diagnostiqués comme souffrant d’un cancer de la thyroïde entre 2012 et 2018.
L’enquête menée par le département de Fukushima sur 380 000 résidents de moins de dix-huit ans au moment du sinistre a révélé un taux d’occurrence de cancers de la thyroïde à 77 pour 100 000 personnes, plus élevé que le taux habituel de 1 à 2 par million, selon les avocats des plaignants.
En mars 2021, le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants a attribué cette forte proportion aux « procédures de dépistage ultrasensibles, qui ont révélé la prévalence d’anomalies thyroïdiennes dans la population non détectées auparavant ». Un argument repris par le département de Fukushima.
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Source : Le Monde.fr