Une étude japonaise publiée dans la revue « Science » montre que le recours aux néonicotinoïdes dans les rizières a provoqué l’effondrement d’une pêcherie lacustre.
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Autorisés dans les années 1990 par toutes les grandes agences réglementaires de la planète, les néonicotinoïdes sont devenus en quelques années les insecticides les plus utilisés en agriculture. Un quart de siècle plus tard, les études se succèdent qui documentent l’ampleur des dégâts environnementaux, souvent irréversibles, qu’ils ont provoqués. Et ce, non seulement sur les abeilles et les insectes pollinisateurs mais aussi, indirectement, sur l’ensemble des écosystèmes.
Dans une étude publiée jeudi 31 octobre par la revue Science, des chercheurs nippons conduits par Masumi Yamamuri (université de Tokyo, service géologique du Japon) montrent, pour la première fois, que l’introduction des néonicotinoïdes peut précipiter l’effondrement abrupt de pêcheries lacustres, en rompant la chaîne alimentaire de l’écosystème aquatique.
Les chiffres sont impressionnants. L’introduction du premier néonicotinoïde (l’imidaclopride) dans les rizières de la préfecture de Shimane, en 1993, a signifié pour les pêcheurs du lac Shinji un effondrement radical des captures de deux espèces commerciales importantes : l’anguille japonaise (Anguilla japonica) et un poisson très consommé au Japon, le wakasagi (Hypomesus nipponensis).
Avant 1993, on capturait en moyenne 240 tonnes annuelles de wakasagi dans ce grand lac du sud-ouest de l’Archipel, contre 22 tonnes dans les années suivantes, soit une baisse de plus de 90 %. De même, les prises d’anguilles sont brutalement passées d’un peu plus de 42 tonnes par an en moyenne avant 1993, à moins de 11 tonnes par an ensuite. Soit une chute de 75 %.
Analyse de vingt ans de données
Pour établir le lien entre l’introduction des néonicotinoïdes et l’effondrement de la pêcherie de Shinji, les chercheurs japonais ont analysé plus de vingt ans de données issues de la surveillance de la qualité des eaux du lac ainsi que les cours d’eau qui l’alimentent après avoir traversé les rizières alentour.
En particulier, ils ont mesuré les teneurs en imidaclopride et ont pu suivre l’évolution d’abondance des petits organismes aquatiques (larves d’insectes, crustacés et autres invertébrés) qui peuplent le lac et qui forment l’un des socles de la chaîne alimentaire de son écosystème. Ces organismes sont très vulnérables à l’action des néonicotinoïdes. Pour les chercheurs, « la réduction d’abondance de ces nombreuses espèces benthiques et pélagiques ne peut être expliquée par d’autres facteurs », que le recours à ces pesticides.
Source : Le Monde.fr
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