Données égarées ou mal attribuées, connexions erratiques, informations erronées : les bugs de My Number s’enchaînent et fragilisent un gouvernement japonais à la peine pour y répondre. Ce système de carte électronique permet à chaque Japonais ou résident étranger d’accéder à un nombre grandissant de services, publics ou non. Sa généralisation doit permettre de réaliser la « société du numérique » ambitionnée par le premier ministre, Fumio Kishida, une gageure dans un pays encore attaché au papier, au fax et même aux disquettes.
La multiplication des problèmes et l’incapacité des autorités à les corriger ont fini par affecter sa popularité. N’étant plus soutenu que par 33 % des Japonais, contre 44 % fin mai, selon un sondage de la mi-juin du quotidien de centre gauche Mainichi, M. Kishida a dû mettre en place, le 21 juin, un groupe de travail chargé de trouver des solutions à la crise. Présent lors de la première réunion, il a promis une révision complète du système. « J’espère que l’ensemble du gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour regagner la confiance du public », a-t-il souligné. Le premier ministre a également renoncé à organiser des législatives anticipées par crainte d’un revers pour sa formation, le Parti libéral-démocrate (PLD).
L’affaire est d’autant plus sérieuse que les Japonais restent méfiants vis-à-vis de ce système lancé en janvier 2016. Il s’agissait alors d’améliorer une machine administrative mise à mal par le scandale des cotisations de retraite, qui a bouleversé le Japon à la fin des années 2000. En 1997, le gouvernement avait décidé d’attribuer à chaque contribuable un numéro. L’Agence de la sécurité sociale s’était alors lancée dans une vaste opération de recollement pour actualiser les comptes de l’ensemble des résidents.
Or, dix ans après, sous pression d’élus de l’opposition, elle a dû reconnaître publiquement que près de 51 millions de cotisations versées pour les retraites restaient non attribuées. Des erreurs avaient été commises lors de l’enregistrement des patronymes – en raison de la complexité des transcriptions des kanjis, les idéogrammes chinois formant les noms, qui ont parfois plusieurs prononciations, et des années de naissance. Ces révélations avaient provoqué la chute du premier gouvernement de Shinzo Abe (2006-2007), puis de celui de Yasuo Fukuda (2007-2008).
Réticence de la population
La mise en place de My Number devait corriger ces défauts mais le système n’a jamais obtenu l’adhésion de la population. Seulement 77,2 % des contribuables avaient demandé la carte My Number le 11 juin. Cette part a récemment augmenté parce que le ministère de la gestion publique a promis à tout demandeur des points d’achat d’une valeur de 20 000 yens (127 euros). Selon une enquête en ligne réalisée début 2023 par l’Agence du numérique, la première réticence des Japonais à la demander est la « crainte d’une fuite d’informations ».
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Source : Le Monde.fr