L’une des dernières plages du Japon sans béton menacée par la construction d’une digue

Le grondement des vagues sourd au loin, résonnant jusque sur les hauteurs enserrant la plage de sable gris et sa dune couverte de pandanus et de belles-de-jour. Au large de Katoku, petit hameau de dix-neuf âmes du sud-est d’Amami-Oshima (département méridional de Kagoshima) passe un de ces typhons coutumiers de la région en juin. La mer est grosse, le vent forcit.

C’est pour protéger la petite île de la déferlante des typhons et éviter que l’érosion emporte la dune qu’une digue de béton de 180 mètres pourrait bientôt barrer la plage, dévastant l’un des rares environnements marins encore préservés au Japon.

Les promoteurs du projet (entreprises de construction, municipalité et département), invoquent les risques pour le village et son petit cimetière établi sur la crête de la dune. Des habitants contestent la méthode : selon eux, le bétonnage représente une manière de faire d’un autre temps, illustrée par le triste exemple des quelque 400 kilomètres de digue murant le littoral du Tohoku (nord-est du Japon) à la suite du tsunami du 11 mars 2011. Un procès est en cours et la cour d’appel de Fukuoka a jugé mercredi 28 juin recevables les arguments scientifiques accumulés par les opposants au projet.

« Les mêmes erreurs se répètent. La nature d’Amami-Oshima continue d’être détruite par des travaux publics inutiles réalisés au nom du développement », déplore Hisami Take, native de l’île, guide officielle engagée dans la lutte contre le projet.

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Le projet de digue remonte à 2014, quand deux typhons provoquent une érosion de 6 000 mètres carrés de la plage, dont 1 700 mètres carrés de terrains privés. Les habitants s’inquiètent et demandent des « mesures aux autorités ». Allant au plus simple, celles-ci optent pour une digue, comme cela se fait partout dans l’Archipel. Un premier projet prévoit une longueur de 530 mètres. Face au tollé, le plan est ramené à 180 mètres, pour un budget de 350 millions de yens (environ 2,2 millions d’euros).

Soutien de la communauté scientifique

La digue suscite pourtant une incompréhension, car des analyses scientifiques du Centre de recherche Kaigan de Tokyo et d’Edward Atkin, océanographe et spécialiste des zones côtières, montrent que « la plage de Katoku fonctionne bien de manière naturelle, avec suffisamment de sable pouvant être emporté au large en cas de vagues extrêmes, ce qui permet de les briser naturellement, puis pouvant s’accumuler de nouveau pendant les périodes de mer calme ».

Le projet menace aussi un site naturel exceptionnel, abritant des espèces de crevettes et de crabes figurant dans le livre rouge des espèces menacées du département de Kagoshima. Katoku est un lieu de ponte des tortues luth et caouannes, elles aussi menacées.

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Source : Le Monde.fr

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