L’histoire est celle d’une revanche. Celle d’un guerrier, Iwami Jutaro, qui court le Japon à la recherche de l’assassin de son père. En chemin, il multiplie les exploits, terrasse un serpent géant, élimine un babouin. Si l’épisode est légendaire, le personnage a bien vécu au XVIe siècle. Le kabuki, art traditionnel nippon du chant et de la danse, s’apprête à lui redonner vie, dans son temple du Kabuki-za, à Tokyo. Dans le rôle principal, Maholo Terajima, un jeune Franco-Japonais de 10 ans, fera le 2 mai sa première montée sur scène en tant qu’acteur officiellement reconnu de kabuki, sous le nom d’Onoe Maholo I.
Son entrée dans cette guilde fermée est une mini-révolution. Maholo n’est en effet pas l’héritier d’une lignée d’hommes acteurs, comme le voudrait la tradition. Il est le fils de la grande actrice « classique » Shinobu Terajima, elle-même fille d’Onoe Kikugoro VII, « trésor national vivant » du kabuki. L’actrice n’a jamais pu fouler le chemin de fleurs, cette voie d’accès à la scène principale du kabuki, car elle est une femme. Le kabuki est un monde réservé aux hommes, qui en assument même les rôles féminins : les onnagata.
Spécialement écrite pour l’adoubement de Maholo, la pièce Le Jeune Guerrier de bonne réputation est signée de l’auteur renommé de kabuki, Toyoshige Imai. L’œuvre compte deux parties, l’une de danse, la seconde de combat. Sur scène, pour les vingt-cinq représentations prévues, le grand-père du jeune Maholo se tiendra à ses côtés. Onoe Kikugoro VII dirige la maison de kabuki Otowaya, créée à Kyoto par son ancêtre au XVIIIe siècle et qui a donné une lignée d’acteurs spécialisés dans les rôles d’onnagata. La montée sur scène de Maholo se fait dans le cadre du traditionnel festival annuel Dan-Kiku Sai, organisé depuis 1936 et qui aura cette fois une touche doublement française, Chanel et agnès b. ayant choisi d’accompagner les débuts du jeune acteur.
« J’aime le kabuki depuis que je suis tout petit », explique Maholo, dans la grande demeure familiale du cœur de Tokyo. Vêtu d’un pantalon large vert pastel sous un haori noir, une veste traditionnelle frappée du symbole familial, il apparaît un peu timide, mais son port est déjà élégant et altier. « Il a toujours été fasciné par ce monde. Il n’a jamais boudé les représentations de quatre heures et pleurait même si l’on voulait partir avant la fin. Un jour, à 3 ans, il s’est mis à genoux et a demandé à son grand-père : “Fais-moi monter sur scène” », se remémore son père, le directeur artistique français Laurent Ghnassia. Peu après, ce grand-père si « admiré » donne son accord. Maholo fait sa première apparition sur scène lors du festival Dan-Kiku Sai de 2017. Depuis, il apprend et joue trois spectacles par an en moyenne.
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Source : Le Monde.fr