NETFLIX – JEUDI 12 JANVIER – SÉRIE
Les maiko sont les futures geiko – le terme « geisha » est également approprié – qui, dans les établissements traditionnels de Kyoto, apprennent la danse, l’art dramatique, la musique, la conversation, selon des règles et des rituels strictement établis. Ces dernières années, la profession de geisha et son apprentissage ont connu un regain de popularité auprès de la jeunesse japonaise, au point d’inspirer un manga, dont Hirokazu Kore-eda a tiré la série que voici, neuf épisodes qui suivent les premiers pas de Sumire (Natsuki Deguchi) et Kiyo (Nana Mori).
Adolescentes élevées l’une par son père, l’autre par sa grand-mère, elles ont quitté les frimas du nord du Japon pour devenir geiko à Kyoto. Si la première, gracile et volontaire, trouve vite sa place, la seconde est rapidement confrontée à sa gaucherie, et accepte de jouer le rôle de makanai, cuisinière pour ses condisciples et ses aînées. Elle le fait avec allégresse et Makanai devient ainsi l’histoire – chère à Kore-eda – de la construction d’une famille choisie, refuge loin de la famille subie et tremplin pour la vie à venir.
L’auteur d’Une affaire de famille s’est entouré d’une poignée de jeunes cinéastes japonais, Takuma Sato, Megumi Tsuno et Hiroshi Okuyama, pour donner à une histoire simple un style dont l’élégance est parfois voilée par la douceur délibérée que l’auteur confère au parcours de Sumire et Kiyo, au risque, parfois, de la mièvrerie. Les deux jeunes filles sont accueillies en apprentissage dans une maison de geisha, à la fois école et agence, qui gère les rendez-vous de leurs aînées, qui exercent leurs talents – exclusivement artistiques – auprès d’une clientèle masculine fortunée et traditionaliste.
Double initiation
On aurait pu deviner dès le premier plan de la série que Sumire atteindrait rapidement les sommets de son art, pendant que Kiyo irait d’échec en échec dans son apprentissage, tant leurs physiques sont contrastés. Mais la seconde révélera des talents culinaires à la mesure des dons artistiques de son amie. Les séquences de cours de danse alternent avec les moments culinaires pédagogiques animés avec un inextinguible entrain par l’interprète du personnage.
On reconnaîtra souvent la version la plus simple de la grammaire du manga dans cette double initiation. Et Hirokazu Kore-eda se tient soigneusement à l’écart de tout ce que la tradition des geishas peut révéler des rapports entre hommes et femmes au Japon. Pour la cruauté de cette condition, mieux vaut aller voir du côté de Mizoguchi, ou chez les hôtesses de bar de Naruse. Ici, les clients se tiennent bien, sont courtois et cultivés, et – de toute façon – il n’est jamais question d’argent.
Ce qui n’empêche pas de délicates touches d’amertume. Momoko (Ai Hashimoto), la tutrice de Sumire, revient parfois ivre de ses rendez-vous, et la version de traditionnelle fête de fin d’année que ce personnage ambigu organise peut donner le frisson. Surtout, malgré l’enthousiasme de ces très jeunes filles, qui ont découvert la tradition des geishas à travers les réseaux sociaux, Makanai met parfaitement en scène la fragilité de cet univers anachronique, qui enferme ses pratiquantes dans un cocon très doux, qu’on ne peut quitter sans le déchirer.
Makanai. Dans la cuisine des maiko, série créée par Hirokazu Kore-eda, d’après le manga d’Aiko Koyama, avec Nana Mori, Natsuki Deguchi, Ai Hashimoto, Takako Tokiwa (Japon, 2022, 9 × 40 minutes). Netflix
Source : Le Monde.fr
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