Déclinée sur le thème de l’écho, la neuvième édition du festival Kyotographie, jusqu’au 17 octobre à Kyoto, propose une série de travaux autour des « échos distinctifs », dixit les organisateurs, Lucille Reyboz et Yusuke Nakanishi, créés dans nos vies par les événements tragiques. La manifestation s’attarde sur ces résonances suscitées, entre autres, par les agressions, les discriminations ou les questions environnementales. Elle évoque aussi et surtout la pandémie de Covid-19 ou encore la triple catastrophe de mars 2011 – séisme, tsunami, désastre nucléaire de Fukushima – dont le Japon a commémoré cette année le 10e anniversaire.
Cette édition du festival pâtit, comme la précédente, de la pandémie, les artistes n’ayant pas tous pu faire le déplacement dans l’ancienne capitale nippone pour y présenter leur travail. Lucille Reyboz et Yusuke Nakanishi ont aussi dû jongler avec les injonctions des états d’urgence sanitaires. Ils n’ont pu exploiter les salles de classe d’une école pourtant réservée pour les expositions des artistes sélectionnés dans le programme KG+, consacré aux nouveaux talents.
Ces tumultes n’empêchent pas l’édition de continuer de dévoiler des travaux forts dans des lieux d’exception de l’ancienne capitale nippone, souvent pour s’interroger sur les non-dits du Japon. L’ensemble le plus important s’observe derrière les murs blancs soulignés de bois sombre du château de Nijo, construit en 1603.
Il est consacré à l’écho de la catastrophe de 2011 et s’exprime à travers, entre autres, The Wave – In Memoriam, mise en regard des photos et d’extraits du roman L’Océan dans la rizière (Seuil, 2012), de Richard Collasse, président du conseil d’administration de Chanel Japon, partenaire de Kyotographie.
Travail sociologique
L’œil s’attardera sur les images du maître de l’école d’ikebana (l’art floral japonais) Misasagi, Atsunobu Katagiri, nées de sa perception des conséquences environnementales de la catastrophe nucléaire de Fukushima et des activités humaines, tel le « ridicule carnaval des sports » – les Jeux olympiques de Tokyo, dont les Japonais ne voulaient pas, y voyant une simple distraction alors que le pays était confronté à une grave vague du coronavirus.
L’artiste se concentre sur le rôle essentiel des sols, « faits de matières minérales et organiques. Les plantes et les animaux meurent et se décomposent, devenant une partie de la terre. Le cycle de la vie et de la mort est latent dans les sols ».
Pour Kyotographie, M. Katagiri s’est approprié l’immense cuisine du château qu’il a meublée de sacs noirs remplis de terre, « comme tous ces sacs remplis de sols issus de la contamination de Fukushima, longtemps abandonnés au bord des routes ». Sur certains de ces sacs, il a disposé des clichés pris à Namie et Minamisoma, dans les zones évacuées après la catastrophe, de fleurs cueillies sur place « que personne ne connaît de nom ou ne remarque », mais qui ont trouvé la force de s’épanouir dans le sol contaminé. Une autre série de photos est particulièrement émouvante. Il s’agit de fleurs disposées autour de piliers d’étables, rongés par des bovins affamés après avoir été abandonnés par les éleveurs fuyant le drame.
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Source : Le Monde.fr
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