LETTRE DE TOKYO
L’été et ses fortes chaleurs s’installent au Japon. Pour beaucoup, la saison coïncide avec la très attendue ouverture des ascensions du mont Fuji. Dans un Japon qui renoue avec le tourisme de masse après la pandémie de Covid-19, le plus haut sommet de l’Archipel, culminant à 3 776 mètres au cœur de la plaine du Kanto, s’apprête à accueillir un nombre record de grimpeurs, tous avides de parvenir au sommet de ce volcan à la forme conique quasi parfaite, mais aux pentes piégeuses traitées un peu trop à la légère.
« Sous-estimer les risques de l’ascension peut provoquer des accidents, des problèmes de santé voire des drames mortels », rappelait, le 22 mai, Yoshiro Sanada, directeur exécutif du service de promotion du tourisme Fuji-Yoshida, en marge d’une cérémonie religieuse organisée pour le bien-être des grimpeurs, à l’entrée de la voie Yoshida, l’une des quatre menant au sommet. Cette voie partant du département de Yamanashi sera inauguré le 1er juillet. Les voies Fujinomiya, Subashiri et Gotemba, sur le versant du département de Shizuoka, ouvriront le 10 juillet. Elles resteront accessibles jusqu’en septembre.
La crainte des autorités concerne principalement les ascensions « sauvages » réalisées d’une traite, par des touristes venant la nuit en voiture et enchaînant par une marche pour arriver au sommet au petit matin. Il est normalement recommandé d’arriver la veille et de dormir dans un des refuges installés aux huit stations conduisant au sommet. Le réveil se fait alors au petit matin et la grimpette commence pour gagner la neuvième station, au sommet.
Objet de vénération
Or, cet usage est compliqué cette année par le manque de places. Sur la voie Yoshida, qui attire 60 % des grimpeurs, les refuges sont quasiment complets. Le Goraikoukan, situé à 3 450 mètres d’altitude, a ouvert son site de réservations le 8 mai. L’afflux de demandes l’a bloqué. Il a été relancé le lendemain. En une heure, toutes les chambres disponibles étaient réservées pour l’ensemble de la saison. « Nous n’avons jamais vu ça avant l’ouverture de la saison », expliquent les responsables du site. Certains refuges de la voie Fujinomiya ont de leur côté enregistré deux fois plus de réservations que d’habitude.
La saturation des refuges découle de l’engouement pour le volcan toujours en activité – la dernière éruption remonte à 1707 – qui reste une icône du Japon, et un objet de vénération depuis plus d’un millénaire, tant pour le shintoïsme (religion première du Japon) que pour le bouddhisme. Le premier à l’avoir escaladé serait un moine bouddhiste, En-no-Shokaku, en l’an 700. Des ermites y grimpaient pour acquérir des facultés miraculeuses. Le mont Fuji apparaît dans certains poèmes de l’anthologie Manyoshu, « le recueil de 10 000 feuilles » composée en 760 par Otomo no Yakamochi. Les grands maîtres de l’estampe l’ont représenté : Hokusai avec ses Trente-Six Vues du mont Fuji ou Hiroshige et ses Cinquante-Trois Relais du Tokaido. Il est aujourd’hui une destination touristique prisée. Son inscription en 2013 au Patrimoine mondial de l’Unesco n’a fait que renforcer son attrait.
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Source : Le Monde.fr
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