Ils sont styliste, décorateur ou encore photographe. Comme beaucoup de Japonais exerçant dans les métiers de la création, ils ont choisi Paris. Pour son art de vivre, mais aussi parce que les cultures français et nippone, aussi éloignées soient-elles, s’accordent à merveille. Comme le prouve le succès, ces dernières années, des chefs japonais à la tête de restaurants français. Dix de ces créateurs ont ouvert leurs portes à « M ». Des intérieurs où se sont introduits, le temps d’une séance photo, des objets du design contemporain. Photos Jonathan Frantini, réalisation Charlotte de La Grandière.
Chez Irié, styliste
Quelle n’est pas la surprise d’Irié quand il découvre, dans les années 1970, après un long voyage en Transsibérien, que Paris n’est pas en noir et blanc. Happé par « le rouge des cerises et le jaune des cendriers aux terrasses des cafés », Irié s’installe dans la capitale française pour travailler dans la mode. La ville satisfait le désir de culture et de beauté du créateur. Et son exil lui permet de redécouvrir le Japon comme un touriste. Un luxe… qui le ravit.
Chez Hisakawa Fumiya, consultant en marketing dans la mode
Ses amis l’appellent « Fumiya-ya », en référence à izakaya, le « troquet », en japonais. Hisakawa sait recevoir comme personne, assurent-ils, bien qu’il ne cuisine pas aussi bien qu’il le souhaiterait les plats traditionnels de son pays d’origine. Il faut dire que ce consultant en marketing de la mode a passé plus de temps à Paris, où il vit depuis treize ans, qu’au Japon. S’il sait bien que la Ville Lumière filmée par Woody Allen dans Midnight in Paris est un beau fantasme, il espère toujours qu’« une voiture des Années folles [le] ramène dans le Paris jazzy de 1920 ».
Chez Maori Murota, cuisinière et illustratrice
Maori Murota ne se sent « ni totalement japonaise ni totalement française ». Partie à 17 ans du Japon, elle a vécu à Bali et à New York avant de s’établir à Paris. Elle y donne désormais des cours de cuisine japonaise – la gastronomie étant, selon elle, le seul moyen d’obtenir la confiance d’un Français. Et, puisqu’une vie ne suffit pas, Maori Murota est également illustratrice et raconte son expérience de la France aux Japonais par le dessin.
Chez Tsutomu Hirano, créateur
Tout commence par un jeans, couleur « Nandro-Iro », inspirée de l’indigo des kimonos patinés par le temps. Le directeur de la marque 45R Paris, créée en 2003, s’est lancé un défi : rassembler les cultures française et japonaise.
Chez Madoka Rindal, céramiste
Enfant, elle suivit ses deux premières années d’école primaire à Paris, avant de repartir vivre à Tokyo. Un souvenir, entretenu par une mère francophile, qui l’habitera au point de la faire revenir dans la capitale française pour y suivre des études d’arts appliqués. Depuis, elle ne l’a plus quittée. D’abord graphiste, Madoka Rindal s’est prise de passion pour la céramique. Un retour à la terre nécessaire, qui, pour elle, s’est révélé un moyen d’expression primitif.
Chez Kenji Tsutsumi, décorateur floral
Il aura fallu à Kenji Tsutsumi un passage à New York pour se rapprocher du Japon. Là-bas, collègues, amis ou curieux croisés au détour d’un bar l’interrogent sur la culture de son pays. Il comprend alors qu’il ne la connaît pas. Il plie bagages et retourne au Japon pour apprendre l’ikebana, l’art floral traditionnel japonais. C’est à Paris qu’il exerce aujourd’hui son art au service de grandes tables.
Chez Nathalie Ifrah, entrepreneuse
S’installer à une terrasse de café, regarder les amoureux se disputer, puis s’aimer de nouveau… Ces petites scènes du quotidien rendent Nathalie Ifrah, Franco-Japonaise vivant à Paris depuis 2000, profondément heureuse. À la tête d’une boutique en ligne, Shopu, elle sélectionne des objets « naturels, sincères et sûrs » – en somme, « simplement beaux » – venus du Japon. Une passion qu’elle tient de son grand-père, qui lui a appris à apprécier « la beauté et les imperfections » des objets usuels.
Chez Satoshi Saïkusa, photographe
Entre la France et Satoshi Saïkusa, tout commence par une question loufoque : les Français boivent-ils réellement leur café dans un bol, comme on peut le voir dans les films ? Il se met en tête de vérifier cette assertion lors d’un voyage touristique, mais la beauté de Paris, la qualité de la cuisine et du vin le retiendront sur place. En 2010, ce photographe de formation crée, avec sa femme, la galerie d’art Da-End, à Saint-Germain-des-Prés. Un lieu ténébreux, « à mi-chemin entre le cabinet de curiosités et quelque demeure secrète », dans lequel ils mettent en lumière des œuvres parfois subversives, jamais classiques.
Chez Yoko Ishii, ancien mannequin
La rumeur court que certains viendraient du Japon à Paris rien que pour voir « la Japonaise la plus chic de Paris ». À 76 ans, Yoko Ishii, ex-mannequin surnommée « Nami », fait toujours son petit effet. Au Café Kitsuné du Palais-Royal, où elle officie en tant que « serveuse-mascotte » – son gendre n’est autre que Gildas Loaëc, cocréateur de la marque Kitsuné –, les clients la connaissent bien. Ses enfants et petits-enfants vivant à Tokyo, elle y retourne de temps en temps et aime partager ses pérégrinations sur Instagram.
Chez Shinsuke Kawahara, designer
Un « artiste-gamin » qui touche à tout : voilà comment présenter Shinsuke Kawahara. Après avoir étudié les beaux-arts à Tokyo, le plasticien se spécialise dans le design et travaille en France, aux États-Unis et au Japon. Shinsuke fait partie de ces gens qui aiment tant leur métier que prendre des vacances les ennuient. Il ressent cependant souvent le besoin de retrouver son Japon, où il apprécie de se sentir comme un étranger. Mais pour rien au monde il ne quitterait Paris. Les « rues sales » de la capitale, les « nombreuses manifs » et le « manque de discipline » n’entachent en rien la passion, presque amoureuse, que lui voue l’artiste.
Source : Le Monde.fr
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