Le 15 septembre 2021, Clément Sans est devenu moine zen. Ordonné sous le nom de Tozan (« la montagne des pêches »), le jeune Français est désormais rattaché à un temple au Japon. Chaque mois, il nous envoie une lettre qui nous fait partager son quotidien singulier et presque hors du temps, rythmé par les longues heures de méditation, les travaux des champs et la lecture des textes sacrés.
Lettre de mai 2022. Les montagnes de la grande île de Honshu sont désormais toutes drapées d’une large coiffe verte aux infinies nuances, les arbres semblent épris d’une nouvelle vigueur, les azalées côtoient les premiers hortensias. Tout l’Archipel respire un printemps sortant de la floraison des cerisiers. Dans nos montagnes où l’eau abonde, les grenouilles sont revenues accompagner par leurs chants nos méditations nocturnes, sorte de liturgie naturelle d’une saison déjà bien entamée.
Les derniers légumes d’hiver ayant été consommés et les premières récoltes de l’année tardant à venir, le printemps est pour nous la saison des sansai, ces herbes comestibles qui couvrent les montagnes du Japon des campagnes. Warabi, tiges de fuki, feuilles de mitsuba… c’est tout un orchestre de plantes sauvages trouvées dans les forêts entourant le temple qui compose désormais le menu quotidien. Préparées le plus souvent en friture ou ajoutées à l’indispensable soupe miso, ces herbes composeront le pilier de notre alimentation durant plusieurs semaines.
Mais cette belle saison est avant tout celle où le riz, préalablement planté sous serre, est repiqué. Les rizières ont été préparées, fertilisées, recouvertes d’eau, drainées et aplanies. Puis, dans une journée de grand soleil, nous avons annulé nos séances de méditation pour nous consacrer uniquement au riz, mis en terre à la main. Une journée entière, de l’aube au coucher du soleil, fut nécessaire pour venir à bout des deux rizières, qui donneront dans le meilleur des cas environ 600 kilos de riz. Désormais, le soin presque quotidien du riz occupe une grande partie de notre temps et chacun veille sur les jeunes plants comme un parent inquiet veillerait sur un enfant fébrile.
Un mariage officiel
Ce mois-ci, je me suis cependant éclipsé du temple pour rejoindre cette ancienne capitale impériale que j’aime tant, Kyoto, ville où je me suis marié officiellement, en attendant la cérémonie religieuse, plus formelle. Dans le bouddhisme ancien, le célibat était imposé aux moines, qui étaient d’abord définis comme des renonçants, « sortis du foyer » (shukke, en japonais). Bien loin de son origine indienne, le bouddhisme japonais s’est lentement sécularisé et transformé pour se confondre avec la culture ordinaire, adoptant des codes antérieurs à son arrivée sur l’Archipel.
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Source : Le Monde.fr
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