John Pierpont Morgan restera probablement le plus puissant homme d’affaires de l’histoire du capitalisme américain, pourtant riche en figures spectaculaires. En 1901, déjà premier banquier du pays, il achète les actifs du roi de l’acier, Andrew Carnegie, pour les fusionner avec les siens et former le numéro un américain et mondial de la sidérurgie, US Steel.
Cette entreprise géante est longtemps restée le symbole de la puissance industrielle du pays, son cœur battait au rythme des hauts-fourneaux de Pittsburg, une bannière étoilée en acier trempée. Mais l’acier a bien rouillé depuis et c’est le drapeau du Soleil-Levant qui en ramasse les restes. Nippon Steel va acheter US Steel pour près de 15 milliards de dollars (13,7 milliards d’euros).
La somme est considérable pour une entreprise devenue un acteur marginal dans la bataille mondiale de l’acier qui oppose japonais, chinois et l’européen ArcelorMittal. Une aubaine pour les actionnaires d’US Steel. En août, son concurrent local, Cleveland Cleef, un mineur devenu sidérurgiste, a proposé 7,3 milliards de dollars. Aujourd’hui, le japonais propose le double. Un jackpot inespéré, qui n’est pas du tout du goût des syndicalistes qui auraient préféré la solution américaine et craignent des restructurations. Ils en appellent à la sécurité nationale. Pas sûr qu’ils aient gain de cause.
Défi de la décarbonation
Le pari de Nippon Steel de surpayer sa proie pour renforcer sa présence américaine reste osé. A Tokyo, le cours de Bourse de la société a sérieusement baissé à l’annonce de la nouvelle. Mais les entreprises japonaises traditionnelles se soucient peu de leurs petits actionnaires. Elles veulent voir leur intérêt de long terme. En l’occurrence, Nippon Steel, qui déploie une très ambitieuse stratégie de déploiement international, vise la clientèle des constructeurs d’automobiles américains, dont les japonais Nissan et Toyota.
Il reste que c’est beaucoup d’argent à un moment crucial de la sidérurgie mondiale. Ce secteur, autrefois très éclaté, et maintenant consolidé autour de quelques géants, doit faire face au défi de la décarbonation. La fabrication de l’acier, à partir de minerai de fer et de charbon, est responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Nippon Steel s’est engagée à réduire à zéro ses émissions nettes d’ici à 2050. Pour cela, il faut basculer vers les aciéries électriques et se convertir à l’hydrogène. Les investissements pour le faire sont considérables et vont obérer la rentabilité des usines.
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Source : Le Monde.fr
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