LETTRE DE TOKYO
La pandémie due au coronavirus a mis en évidence les contrastes du Japon, en pointe sur les nouvelles technologies, en retard sur les procédures administratives. L’archipel a repris la tête du classement des superordinateurs avec l’entrée en service, le 23 juin, de Fugaku, conçu par l’institut de recherche publique Riken et le géant de l’électronique Fujitsu. La machine installée à Kobe affiche une puissance pratique de 415,5 pétaflops (les flops sont les opérations en virgule flottante par seconde), 2,8 fois supérieure à celle de son premier concurrent, l’Américain IBM Summit.
Voilà donc l’archipel armé d’un nouvel outil ultramoderne dont la première tâche est, à titre expérimental, de travailler sur les diagnostics et la propagation du Covid-19.
Cette accélération informatique a coïncidé avec la prise de conscience du fort ancrage d’habitudes d’un autre âge dans les entreprises et les administrations, tel l’usage massif du fax ou du papier, ou encore du sceau, l’hanko ou inkan – qui désigne la marque qu’il laisse une fois appliqué.
L’hanko sert à valider son arrivée et son départ du bureau et à « signer » un document officiel, voire une modification, dudit document. Il exige de ce fait la présence physique de son détenteur. Or, son usage est remis en question par la demande du gouvernement, afin d’endiguer la propagation du coronavirus, de recourir au télétravail et par les exigences de la « nouvelle normalité » post-Covid.
Véritable révolution culturelle
Renoncer à l’hanko représenterait une véritable révolution culturelle au Japon. Importé de Chine dans l’Archipel du temps de la dynastie des Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.), il a vu son usage se généraliser dans les cercles du pouvoir avec la réforme de Taika (VIIe siècle), qui visait à modeler le système de gouvernement japonais sur celui de la Chine des Tang (618-907). Pendant la période nippone de Nara (710-794), contrefaire un hanko pouvait être sanctionné d’un exil de « 2 000 ri » (environ 7 800 kilomètres), voire de la peine de mort.
A l’ère Meiji (1868-1912), marquée par l’introduction de pratiques occidentales, un débat eut lieu pour savoir s’il fallait y renoncer au profit de la signature. Il a été conservé et l’établissement d’un système national d’enregistrement et de certification a contraint l’ensemble de la société, particuliers comme entreprises, à s’en doter.
Aujourd’hui, il existe trois types d’hanko. Le plus important est le jitsuin, enregistré en mairie et exigé pour des transactions telles que l’achat de biens immobiliers ou de voitures, la souscription d’un prêt ou encore les testaments. Puis viennent le ginkoin pour les opérations bancaires courantes et le mitomein pour les tractations du quotidien, comme la réception d’un colis.
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Source : Le Monde.fr
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