Retour de la pluie, baisse timide des températures : un certain soulagement parcourait le Japon lundi 4 juillet. Après deux semaines de records de température qui ont poussé ses réseaux électriques à leurs limites, les alertes au risque de pénurie d’électricité ont été levées. Elles pourraient être relancées après la décision prise le 30 juin par Moscou de prendre le contrôle total du projet d’exploitation d’hydrocarbures Sakhaline-2. Décidée unilatéralement, sans dédommagement prévu, la mesure doit se traduire par la création d’une nouvelle société russe, à la place du consortium Sakhalin Energy Investment (SEI).
Elle cible directement le Japon. Dix millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) sortent chaque année de ce site gazier situé sur l’île de Sakhaline, dans l’Extrême-Orient russe. Six millions vont dans l’Archipel, ce qui est équivalent à 9 % de ses importations de GNL. SEI a pour actionnaire majoritaire le géant russe Gazprom. Suivent l’anglo-néerlandais Shell, à 27,5 %, puis les maisons de commerce nippones Mitsui & Co et Mitsubishi Corp, à 12,5 % et à 10 %.
Conditions russes
Selon le décret signé du président, Vladimir Poutine, les actionnaires étrangers de SEI ont un mois pour décider s’ils veulent entrer au capital de la nouvelle entité. Si oui, ils devront accepter les conditions russes. Sinon, ils perdront leur investissement. L’annonce a pris de court Tokyo. Le Japon a imposé des sanctions à la Russie après l’attaque de l’Ukraine, mais a toujours exclu de sortir de Sakhaline-2, un projet « extrêmement important pour la sécurité énergétique » de l’Archipel, selon le premier ministre, Fumio Kishida.
Une remarque qui souligne l’importance ancienne de Sakhaline pour le Japon, en raison de sa proximité géographique, à quelques encâblures d’Hokkaido, la grande île du Nord nippon. Appelée Karafuto par les Japonais, Sakhaline a été partagée avec la Russie entre 1855 et 1875 puis de 1905 à 1945. Ses ressources énergétiques ont vite été exploitées : dès 1919, le consortium nippon Hokushinkai y a exploité du pétrole découvert dans les années 1880.
Le Japon a été classé parmi les « pays inamicaux » par la Russie
Après 1945 et la reprise de Sakhaline par l’URSS, la coopération a vite repris. Elle s’est accélérée au moment des chocs pétroliers des années 1970 avec le consortium nippon Sodeco (Sakhalin Oil and Gas Development Company, détenu à 44 % par le gouvernement). Les sanctions économiques imposées à l’URSS par les Etats-Unis l’ont interrompue, mais elle a redémarré dans les années 1990 et a abouti aux projets Sakhaline-1 dans le pétrole, avec notamment Exxon, et Sakhaline-2. En 2006, Vladimir Poutine a stoppé Sakhaline-2 pour des « préoccupations environnementales », vite oubliées quand le groupe public Gazprom obtient une participation majoritaire dans SEI. Depuis 2009, le GNL est exporté vers l’Archipel, la Corée du Sud et la Chine.
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Source : Le Monde.fr